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Aïki-Do

 

Ô Senseï Ueshiba, fondateur de l'Aïki-Do

Cet art peut se résumer par "L' Art de la Paix et de l'Amour".

Ô SenseÏ Ueshiba : Le but ultime d’Aïki est la création du paradis sur terre. En tout cas, le monde entier devrait être en harmonie. Alors nous n’aurions plus besoin de bombes atomiques et à hydrogène. Cela sera un monde confortable et plaisant à vivre."

Ô Senseî Ueshiba
Ô Senseî Ueshiba
Ô Senseî Ueshiba
Ô Senseî Ueshiba

Vie  de Ô Senseï Ueshiba

L’Enfance et les années de formation

Ô Senseï Morihei Ueshiba naquit le 14 décembre 1883 à Tanabe dans la préfecture de Wakayama. Il fut le quatrième d’une famille de 6 enfants dont il était le seul garçon. À sa naissance il était plutôt chétif.

Son père est paysan d’un niveau social aisé. Il est nécessaire cependant, pour comprendre dans quelles conditions familiales s’inscrit cette naissance, d’approfondir le contexte historique et de s’interroger sur les aspects sociaux du Japon de l’époque. La région dans laquelle Ô Senseï  vint au monde était l’une de ces régions inhospitalières du Japon où se réfugiaient les familles guerrières défaites dans les jeux complexes des affrontements féodaux.

Et ceci à différents moments de l’histoire du Japon : période Genpeï, période Namboku, période Sengoku.

 

La famille de Ô Senseï n’est donc pas de tradition paysanne au sens occidental du terme. Il s’agit d’une ancienne lignée guerrière qui, à la suite de vicissitudes historiques, s’était vu contrainte de trouver refuge dans cette partie du territoire et d’adopter la condition paysanne.

Le grand père de Ô Senseï était un homme d’une grande force et mesurait 1 m 80. La maison de Ô Senseï avait eu l’honneur de recevoir en héritage une méthode de combat nommée :

 

Aï Oï Ryu Ju Jutsu

Son père Yoroku avait des responsabilités dans le conseil local du village. De féroces paysans organisés en groupes venaient souvent à sa maison et se permettaient de le rudoyer. Le jeune enfant qu’était alors Ô Senseï  en fut violemment ému. Il décida de devenir fort pour pouvoir faire triompher la justice et mettre à la porte les misérables.

Maître Ueshiba eut souvent l’occasion d’étudier dans les temples fort nombreux de cette région de Wakayama, riches en églises et en édifices religieux. Il étudia (entre 7 et 12 ans) sous les directives du prêtre Mitsujo Fujimoto du temple Zizoji, la « secte » de Bouddhisme Zen au temple Homaji, village de Akitsu.

Ô Senseï fut un enfant faible au niveau des possibilités physiques mais d’une forte intelligence. Il fut remarqué pour ses aptitudes intellectuelles vives et pour sa sensibilité religieuse toujours en éveil.

Mentionnons pour finir sa réussite dans le jeu de boules aux abstraites combinaisons mathématiques dénommé Soroban. Il l’avait appris très tôt et à l’âge de 15 ans il pouvait l’enseigner.

En 1900, à 17 ans, Ô Senseï poursuit sa formation dans ce que nous appellerions un établissement d’études secondaires qu’il quitte sans avoir achevé ses études. Son plus grand désir est de devenir un grand commerçant. Il va à Tokyo où il travaille toute la journée dans des activités commerciales. Le soir il peut entreprendre l’étude des techniques de Ju-Jitsu sous la direction de Maître Tobari (nom) Takisaburo (prénom) qui enseigne le Kito-Ryu.

En 1901 il tombe malade, souffrant du Béribéri, il doit rentrer chez lui. À 18 ans, il vit cette épreuve comme un défi et s’efforce de fortifier son corps par un entraînement rigoureux où se mêlent la pratique des techniques de Ju-Jitsu et de longues étapes de marche dans la montagne.

En 1902 il se marie avec une jeune fille de la famille Ito Yama Hatsu.

Le service militaire

1903, survient alors la période des obligations militaires. Ô Senseï est incorporé au 61ème Régiment de l’Armée Japonaise. Maître Ueshiba va étudier avec succès les techniques du maniement de la baïonnette. Il pratique le sumo et réussit à exceller dans les exercices gymniques à la barre fixe. Il mesure alors 1 m 56, pèse 75 kg et a su donner à son corps une force et une solidité à toute épreuve.

L’année 1904 voit s’ouvrir les hostilités entre le Japon et la Russie. Maître Ueshiba a été remarqué pour ses qualités d’endurance et d’habileté. Il est devenu entraîneur et dirige les exercices militaires. Il obtient le grade de sergent. Il se porte alors volontaire pour un départ sur le front.

 

Sa demande est acceptée en 1905. Il part donc en Mandchourie où il fera l’expérience de la guerre. Il se fait remarquer par son courage et sa volonté jamais prise en défaut de marcher devant la troupe en 1ère ligne. Il n’est jamais fatigué, sa force est telle qu’il porte souvent, lors des épuisantes marches guerrières, les équipements de 2 ou 3 compagnons d’armes moins résistants.

Son goût pour les disciplines martiales le conduit à rechercher en Mandchourie les Maîtres des arts martiaux chinois ainsi que les collectionneurs d’armes anciennes.

La guerre se termine alors, et le Maître rentre au Japon ou il partage son temps entre les nécessités de l’entraînement et de la vie militaire et le Dojo qu’il a pu ouvrir à l’extérieur de l’enceinte du camp grâce à l’aide pécuniaire paternelle. Les soldats qui sont sous ses ordres deviennent ainsi ses élèves. Il quitte l’armée en 1906 malgré les efforts déployés par la hiérarchie pour retenir cet élément exceptionnel. Il rentre à Tanabe.

Son père est devenu Maire du village, il a un Dojo où il se plait à inviter de nombreux Maîtres de passage. Nous ne prendrons, parmi ceux-ci, qu’un exemple : celui de Kiyochi Takagi, expert de Judo.

Le maître avait depuis longtemps commencé l’étude des techniques de l’école d’escrime Yagu sous l’autorité de Masakatsu Nakaï qui vivait dans la ville de Sakaï. C’est en 1908 qu’il obtient son diplôme de fin d’études de Ya Gyu Ryu Ju Jutsu, délivré par Maître Tsuboi Masa Nosuke.

En 1910, le Japon recherche des volontaires pour s’installer à Hokkaïdo. Maître Ueshiba après s’être rendu sur place à Tanabe et réussit, en 2 ou 3 jours, à rassembler autour de lui un groupe d’une soixantaine de personnes décidées. Si l’année 1911 voit la naissance de sa première fille ce n’est qu’en 1912 qu’il pourra partir pour Hokkaïdo, ayant achevé la préparation de son groupe. Il est alors le chef d’une communauté villageoise d’une cinquantaine de familles qui va s’établir au village de Shirataki, comté de Nombetsu de la province de Kitami.

 

Maître Sogaku Takeda
Maître Sogaku Takeda

Les rencontres décisives. Les expériences déterminantes

L’enseignement de Maître Takeda

Maître Ueshiba va se consacrer à ses travaux pendant 8 années de 1912 à 1920. Il est élu conseiller municipal en 1918 du village de Kamiyabetsu à Shirataki. N’est-ce pas encore une preuve de son rayonnement social ?

C’est alors une période clé dans l’histoire du Japon. La chute de Tokugawa continue à faire peser ses conséquences historiques et sociales. De nombreux samouraïs se retrouvent au chômage. Hokkaïdo devient alors un lieu de passage et Maître Ueshiba ne manque pas d’inviter tous ces visiteurs à travailler dans son Dojo.

L’un d’eux, qu’il avait déjà rencontré dans l’hôtel Kobuta d’Engaru, en 1911 à l’âge de 28 ans, va prendre une grande place. Il s’agit de Maître Takeda Sogaku qui enseignait le Daïto-Ryu. Maître Takeda était l’héritier de cette très vieille méthode dont il faut dire encore qu’elle était attachée à la province de Aïzu-Han. Chaque Daimyo dans le Japon féodal avait ainsi, à l’intérieur de la province qu’il dirigeait, la charge d’un enseignement spécifique qui demeurait secret.

Maître Ueshiba dirige alors un groupe d’élèves, une quinzaine de jeunes pratiquants, il invite Maître Takeda en stage. Il s’occupa de lui pendant 6 mois, le recevant dans sa maison, accomplissant tous les devoirs de l’hôte. Il construisit ensuite une maison pour lui.

Maître Ueshiba durant cette période travaille comme bûcheron maniant une hache de 4 kg. Il demeure infatigable, marchant dans la neige durant de longues périodes de 40 km par jour. De nombreux récits nous rapportent des anecdotes : ainsi, luttant un jour avec des ouvriers il soulève son adversaire, un homme de 120 kg.

En 1916, Maître Ueshiba obtient de Maître Takeda le diplôme de fin d’études. Il voyait ainsi récompensé son acharnement au travail et ses sacrifices pécuniaires.

 

En 1917 son 1er fils nait, en 1919 le village brûle et le Maître dut procéder à sa reconstruction. C’est pendant cette année de 1919 que Maître Ueshiba repartit pour Tanabe en décembre, lorsqu’il apprit que son père était tombé malade. Son désintéressement à l’égard des richesses matérielles apparait alors nettement. Au lieu de vendre sa maison et ses biens il les offre à Maître Takeda. Il repart comme il était venu : sans rien !

L’enseignement du Révérent Deguchi

 

Dans le train du retour, il entend parler d’un homme dont la puissance spirituelle était telle qu’il pouvait guérir par ses prières. Il décida donc d’aller le voir. C’est à Ayabe qu’il rencontre le Révérend Deguchi, se détournant ainsi de la route directe vers Tanabe. Mais lorsqu’il rentre chez lui en décembre 1920 son père est mort.

Sa rencontre avec le révérend Deguchi a été déterminante. L’ouverture spirituelle, l’éveil à une autre dimension de la réalité humaine : voilà qui vient s’inscrire après le long apprentissage des éléments martiaux sous l’influence de Maître Takeda.

Dès le printemps 1920, le Maître repart pour Ayabe avec toute sa famille. Il s’installe dans la banlieue, construit une maison et un Dojo sur le conseil du Révérend Deguchi dont il suit l’enseignement. C’est en effet le Révérend Deguchi qui l’invite à continuer dans la Voie de ses précédentes recherches : la Voie des arts martiaux. Il baptise son Dojo du nom de Ueshiba Ju Ku.

Il étudie les techniques du maniement de la lance et du sabre, s’entraînant souvent seul. Il se livre aussi, sur son terrain, à des travaux agricoles. Son goût pour l’épreuve, le défi lancé à lui-même ne se dément pas : il arrache les mauvaises herbes avec un sarcloir 2 ou 3 fois plus gros que la norme.

 

Il porte sur son épaule de lourdes quantités d’eau. De nombreux récits noue le montrent soulevant de lourdes pierres que personne ne parvenait à bouger ou arrachant des souches avec une vigueur exceptionnelle.

Beaucoup de gens viennent aussi lui rendre visite dans son Dojo. Ils viennent, forts de leur science acquise dans le Kendo ou le Judo, tester la valeur du Maître. Les victoires du Maitre lors des défis qu’il remporte immanquablement attirent certains pratiquants passionnés d’étude martiale. Maître Tomiki, champion de Judo à l’université de Waseda s’attache à son enseignement.

Mais l’année 1920 est aussi une année de douloureuses épreuves. Son 1er fils meurt en août et son 2ème fils, né en avril, disparaît en septembre. Que peut-on dire de ses malheurs sinon qu’ils ont fait peser sur les épaules du Maître le poids de la fatalité et de l’affliction. Il s’interroge alors sur l’homme, la destinée, la signification réelle de la force.

Le Révérend Deguchi apporte la lumière de son enseignement et l’aide aussi, en orientant vers son Dojo de nombreux élèves.

Beaucoup d’officiers de marine, attirés par l’enseignement du Révérend Deguchi, pratiquent ainsi dans le Dojo du Maître.

Pendant une courte période, Maître Takeda revient travailler avec le Maître puis repart à nouveau.

En juin 1921, naît Kisshomaru Ueshiba.

Mais l’influence capitale que nous devons comprendre pour mieux saisir le Maître, c’est bien celle du Révérend Deguchi. La religion qu’il enseigne est originale à bien des égards. Elle porte le nom de Ōmoto kyo.     

 

Cette religion repose sur un texte sacré établi par une femme, Deguchi Nao, qui est donc la « vraie créatrice ».

Ce texte sacré a été révélé à la fondatrice, qui l’établit dans un élan d’inspiration sacrée.

Comme il est de coutume au Japon, en épousant la fille de la fondatrice du culte, le Révérend Onisaburō Deguchi put prendre son nom.

 

C’est sous l’influence du Révérend Deguchi, doué par sa haute spiritualité de pouvoirs exceptionnels, que le noyau réduit des pratiquants religieux du départ va s’élargir considérablement. Cet enseignement religieux, apparenté par de nombreuses options au shintoïsme, prône aussi la non–résistance, la non-violence. Le développement de cette religion originale devait rencontrer plusieurs obstacles.

Le gouvernement se montre peu désireux de voir s’étendre un culte pouvant porter ombrage aux aspects religieux officiels et à la cohésion de l’état. Il y eut donc une phase de répression et le Révérend Deguchi fut assigné à résidence.

En 1924 le Révérend Deguchi a 41 ans, il veut réaliser un grand projet. Il désire jeter les bases d’une société idéale fondée sur ses principes religieux en Mongolie. Il était entré en contact avec la religion Putienchiao de Corée et la religion Taoyian Hungwantzuhui de Chine. Il invita donc Masumi Mat Sumura et le Maître au temple Shounkaku à Ayabe.

Le Révérend Deguchi n’hésita pas à braver le pouvoir en échappant à la surveillance policière et en s’embarquant, le 13 février 1924, clandestinement pour la Mandchourie et la Mongolie.

Ce qui est important pour nous c‘est de voir Maître Ueshiba participer ardemment à ce projet, accompagner le Révérend Deguchi, le protéger comme le ferait un disciple attentif, vigilent, soucieux de mettre sa science au service d’une cause et d’un Maître.

Le voyage vers la Mongolie dure 4 mois et connait un grand succès. Beaucoup de gens rallient le petit groupe séduit par les pouvoirs de guérisseur du Révérend Deguchi. Mais la situation de la Chine de l’époque est particulièrement troublée. De nombreuses factions rivales se déchirent dans leur quête du pouvoir.

 

Un groupe de militaires chinois prend le groupe dans une embuscade à l’occasion d’une escale nocturne. Les chinois sont abattus et les japonais (6) prisonniers menacés d’exécution.

 

C’est d’une extrême justesse, surgissant alors que le peloton se mettait en place, que l’émissaire du Japon survint et réussit à obtenir le rapatriement des ressortissants japonais. Ils furent ramenés au Japon et atteignirent le port de Moji le 25 juillet 1925, ils furent accueillis triomphalement par une grande foule qui les considérait comme des généraux.

Réverend Deguchi et Ô Senseï Morihei Ueshiba

Maître Ueshiba revint donc à Ayabe.

Cette période fut fertile en épreuves et a sans doute profondément contribué à l’évolution intérieure du Maître. Au plus fort du danger il fit preuve d’une force et d’un calme inébranlables. Un dit, que même les braves du groupe le regardaient avec émerveillement.

C’est dans la vie même du Maître que nous trouvons le signe de son attachement à cette période. Il conserva à Ayabe, pendant un long moment, le nom qu’il avait adopté en Mongolie : Moritaka

C’est pendant les affrontements guerriers de Mongolie que le Maître découvrit un mode particulier de « sensibilité » au danger. Lors d’un accrochage, menacé par un fusil, avant que le doigt ne presse la gâchette, il vit un grain lumineux sur le visage de l’adversaire, lui permettant ainsi d’échapper à la balle.

 

Il est bien difficile de choisir les mots susceptibles de décrire un phénomène de perception sortant aussi nettement de « l’expérience commune ». L’expression de grain lumineux, de vibration lumineuse, semble susceptible de traduire cet éveil à un autre champ perceptif, ce développement par l’intuition d’un « autre sens » permettant une extraordinaire anticipation de l’attaque.

Peut-être peut-on voir dans cette expérience l’origine de ce que Ô Senseï disait à ses élèves lorsqu’il expliquait sentir le Ki de l’ennemi « taper » avant que n’arrive le coup.

De la Mongolie et de ses combats vient aussi certainement un des fondements de la pratique de l’Aï Ki Do actuel : le sens de la présence réelle ou virtuelle de plusieurs attaquants. « L’idée » qu’il n’y a pas une seule attaque, ou un seul adversaire capable de cristalliser, polariser l’attention, mais qu’il faut conserver la disponibilité intérieure permettra de faire face à plusieurs adversaires. (Taninzu Yake)

Ô Senseï Morihei Ueshiba
Ancre 1

La réalisation intérieure

Il nous faut aborder ce paragraphe avec une humilité particulière. Il est difficile en effet d’expliquer avec des mots ce qui échappe radicalement aux mots. Le langage s’avère dans ce type d’approche souvent spécieux. C’est un faux ami dont il convient de nous défier. Bien sûr, nous pourrions construire de longs développements philosophiques amalgamant des notions empruntées à l’études des religions.

 

Les textes du Bouddhisme Zen sont maintenant mieux connus en France. Nous disposons aussi de nos traditions religieuses et lorsque Ô SenseÏ nous dit « comprendre le langage des oiseaux » nous avons le désir d’en appeler à la tradition des mystiques chrétiens, Saint François d’Assise par exemple. Mais il convient dans le domaine des religions comparées d’avancer avec circonspection et esprit critique.

Nous adapterons donc une démarche descriptive simple conservant pour le dernier paragraphe les mots que le Senseï lui-même employa et que nous rapporte la tradition orale, le livre du Doshu particulièrement.

 

Car il faut se souvenir encore que Ô SenseÏ n’écrivit aucun texte auquel nous puissions nous référer avec la rigueur « (textuelle) » nécessaire pour une vraie citation. Par contre, plusieurs fois, il fit récit à ses élèves de cette expérience exceptionnelle donnant à certains moments des interprétations variées, enrichies de certains souvenirs.

En 1925 à Ayabe le Maître continue à travailler ardemment dans son Dojo. Il avait l’habitude, après l’entraînement vigoureux comme après les durs travaux agricoles, de se laver dans le jardin avec des seaux emplis de l’eau du puit.

 

Il sentit un jour « l’univers trembler » et « un esprit doré sortir du sol » couvrant tout son corps d’or. Il éprouve l’impression d’un élargissement de son corps aux dimensions du cosmos tout entier. Plus de limitation aux frontières d’un individu mais la fusion avec l’universel. Dans le même temps s’éclaire le sens de sa quête de vérité toujours inlassablement poursuivie. Les questions qui aimantaient sa recherche sur la finalité ultime de l’art martial se trouvent résolues.

Il lui apparaît alors nettement que les couples victoire-défaite, vie-mort, doivent être dépassés. Il faut se débarrasser du désir farouche de vaincre, de la tension vers la victoire. Le sens ultime du Budo c’est l’Amour. Cette révélation bouleverse le Maître au plus profond de lui-même, elle s’accompagne d’une sensation intime de plénitude, du sentiment profond d’un intense bonheur. Le Maître pleure de joie.

Nous trouvons dans cette réalisation ultime le noyau central de l’Aï Ki Do. En expérimentant son unité avec le cœur de l’univers le Maître découvre que l’homme dispose alors d’une formidable puissance. L’essence de la pratique c’est donc de réaliser l’harmonie entre le mouvement de l’univers et soi-même.

Baguer au sens profond du terme c’est dépasser en soi les tensions crées par le désir de vaincre.

Réaliser l’unité entre soi et l’univers : voilà le but ultime. Celui qui recherche et atteint cette unité possède alors l’univers « dans son ventre ».

Divine technique Ô Senseï Morihei Ueshiba
Divine technique Ô Senseï Morihei Ueshiba

Nous citons maintenant pour complément d’information les paroles que la tradition orale prête à Ô SenseÏ et qui sont extraites du livre du Doshu :

Comme il essuyait la sueur de son visage, il fut submergé par un sentiment qu’il n’avait jamais ressenti auparavant. Il ne pouvait ni marcher ni s’asseoir. Il était comme enraciné dans un étonnement complet. Le Maître raconte son expérience :

 

" J’exerçais mon esprit sur le Budo quand j’avais 15 ans et visitais les professeurs d’escrime et de Ju Jitsu de plusieurs provinces. Je maîtrisais les secrets des instituts les plus récents, chacun en quelques mois, mais il n’y en avait aucun pour m’apprendre l’essence du Budo qui puisse satisfaire mon esprit.

 

Aussi frappais-je aux portes de diverses religions mais je ne pus recevoir aucune réponse satisfaisante. Puis au printemps 1925, si je m’en souviens bien, quand je marchais dans le jardin, je sentis subitement que l’univers tremblait et qu’un esprit doré sortit du sol, enveloppait mon corps et le changeait en un autre fait d’or. Au même moment mon esprit et mon corps devinrent légers, j’étais capable de comprendre les murmures des oiseaux, et j’étais clairement conscient de l’esprit de Dieu, le créateur de cet Univers.

À ce moment, je compris ; la source du Budo est l’Amour de Dieu, l’esprit de la protection amoureuse pour tous les êtres. Des larmes de joie coulaient sans interruption sur mes joues.

 

Depuis ce moment, j’ai été amené à sentir que la terre entière est ma maison et que le soleil, la lune et les étoiles sont toutes des choses qui me sont propres.

 

Je suis devenu libre de tout désir, non seulement du point de vue possession, réputation et richesse, mais aussi pour être fort. Je compris ; le Budo, ce n’est pas abattre un adversaire par notre propre force, ni un outil pour mener le monde à la destruction par les armes. Le vrai Budo est d’accepter l’esprit de l’univers, de garder la paix du monde, de produire correctement, de protéger et de cultiver tous les êtres dans la Nature. 

 

Je compris ; l’entraînement du Budo est de prendre l’Amour de Dieu, qui produit correctement, protège et cultive toutes les choses de la Nature, et les assimile et les utilise dans notre esprit et notre corps."

Cette révélation peut avoir été seulement l’évènement d’un instant, mais c’était la première expérience qu’il avait eue depuis sa naissance. Elle révolutionna la vie du Maître et donna naissance à l’Aï Ki Do.

 

Vous comprenez maintenant que les précautions descriptives n’étaient pas du domaine des coquetteries oratoires. Cette plénitude d’un éveil spirituel ultime venait « illuminer » les recherches de Ô Senseï dans le domaine des méthodes de Ju Jutsu.

Qu’il nous soit permis de citer encore une fois le livre de Doshu :

Mais le Maître clarifia le chemin supérieur de l’Aï Ki Do comme membre de la société du Budo. Une société où les membres tendent simplement à accentuer les techniques et la force.

 

Il affirme :

« C’est la Voie du Budo de faire nôtre le cœur de l’Univers et d’accomplir notre mission d’Amour et de Protection de tous les êtres avec un grand Esprit. Les techniques du Budo sont seulement un moyen pour atteindre le but. »

C’est-à-dire que le Maître ayant étudié minutieusement et ayant acquis l’essence du Budo à travers sa lutte, établit le premier un but de conduite spirituelle par-dessus tout et ensuite amalgama les techniques de l’Aïki dans « le courant de l’esprit, la puissance de l’esprit, ou la puissance de l’âme ». Il créa le côté hautement technique et spirituel du Budo japonais dans la société humaine. Le Maître le premier qui indique clairement le monde de l’Aïki et révéla ses buts. Former Jitsu à Do (techniques vers la Voie) c’est le chemin pour être entraîné sans fin vers le but établi par le Maître.

Les années de la plénitude

À cette époque le Maître disperse son enseignement lors de petits stages organisés dans tout le Japon. Un général de la marine japonaise (Take Shito Isamou) qui avait étudié sous sa direction lui demande de venir à Tokyo. Un Duc, Yamamoto Yombei, qui a été très touché de voir le Maître utiliser le Yari selon les plus traditionnelles techniques, s’intéresse à lui. C’est un personnage très influent dans le gouvernement, il aidera le Maître à s’installer.

En 1927, Maître Ueshiba arrive à Tokyo, loue une maison. Il transforme une salle de billard en Dojo dans la maison du Duc Shimazu. En 1928, 1929, 1930 le Maître doit changer chaque année de maison car les propriétaires se plaignent : le travail est si intense que même les poutres des maisons apprennent les techniques.

C’est à ce moment que Maître Kano, après avoir vu le Maître à l’œuvre demande à certains de ses élèves de suivre les cours avec Ô Senseï. Le Maître Kano écrivit à Ô Senseï pour lui témoigner son admiration. On dit que Maître Kano, en voyant le Maître travailler dit « c’est mon Budo idéal ». Viendront à son enseignement, parmi d’autres, Me Naga Uka (10ème dan de Judo à la fin de sa vie), Me Mochizuki Minoru, Me Takeda Jiro.

En 1931 le Dojo se révèle encore trop petit. Le Maître se rend dans la banlieue de Tokyo, à Wakamatsu-Cho. Il construit là un grand Dojo de 80 tatamis, un des plus grands Dojos de l’époque, ainsi que sa maison. C’est le lieu qui deviendra l’Aikikai.

On travaille dans le Dojo d’Ushigome avec rigueur et ardeur. Ce lieu de Wakamatsu-Cho fut nommé Kobukan en le dénommant Jigoku Dojo : le Dojo de l’enfer.

Le lever est à 5h00 du matin, suivi du nettoyage du Dojo et du petit déjeuner. On pratique 4 à 5 fois par jour. Les Uchi Deshis (étymologiquement ceux qui travaillent dans la maison du Maître) font la cuisine. Le Maître, depuis sa rencontre avec le Révérend Deguchi, ne mange pas de viande, ne fume ni ne boit d’alcool.

 

Les Uchi Deshis, souvent de haut gradés en Judo ou Kendo sont très forts. (Maître Morihio Saito - vidéo) - (Maître Tadashi Abe  - vidéo)

(Maître Koichi Tohei - vidéo)  - (vidéo Maître de L'Aiki-Do)

 

Des récits nous montrent certains élèves soulevant 2 sacs de riz de 60 kg chacun. Mr Yukama par exemple.

D’autres travaillent avec des barres de fer de 40 kg. Il y a parmi eux beaucoup de personnalités hautes en couleur dont les « légendes » abondent en anecdotes pittoresques. Le Maître rencontre un Sumotori, champion du Japon Ten Ryu  - (article anglais).

Convaincu par Ô Senseï celui-ci vient au Dojo pour étudier sous sa directive. Il a lui-même écrit son histoire et raconte que l’entraînement était si impitoyable qu’il s’évanouit au terme de sa première semaine.

Quant au Maître, il pèse 82 kg pour 1 m 56 et il est d’une puissance exceptionnelle. Qu’il nous soit permis de rapporter encore un petit récit :

Le Maître ne reçoit jamais directement les cotisations versées par les élèves. Celles-ci sont glissées dans des enveloppes et disposées sur un autel. Le Maître les utilise selon les besoins après avoir salué pour remercier Dieu.

En 1939, le Maître retourne en Mandchourie, sur invitation du gouvernement, pour enseigner. C’est en 1940 qu’il effectue une démonstration devant l’empereur de Mandchourie en présence de militaires du gouvernement japonais.

En 1941, le Maître dispose en Manchourie d’un grand Dojo, il est nommé de plus conseiller technique de l’université. Il dirige aussi plusieurs Dojo à Tokyo et à Osaka. Le rayonnement de son enseignement est évident : L’université de la marine japonaise, des écoles de sous-officiers de marine, de mécaniciens de marine, une école militaire de police, les services spéciaux de l’armée font appel à lui. Une grande compagnie formant des cadres économiques lui demande aussi d’enseigner.

En 1940 son Dojo prend, avec l’autorisation du ministère de la santé, le nom de Zaidan Ho-Jin Kobukaï. En 1942, Maître Ueshiba crée à Iwama, à 200 km de Tokyo, un Dojo et une ferme pour pouvoir conduire simultanément l’étude des arts martiaux et les travaux d’agriculture.

 

Le Maître a acheté le terrain et habite dans la ferme. Il se retire donc de Tokyo et laisse la direction à son fils et aux autres élèves. En 1943, il construira à Iwama une église nommé Aïki Jinja que nous pouvons considérer comme un temple Shintoïste d’Aï Ki Do. Ce n’est qu’en 1945 que le Dojo d’Iwama sera achevé.

Rappelons encore un évènement important :

En 1942, le ButoKu Kaï, université unissant tous les art martiaux, Judo, Kendo, Kyodo demande au Maître d’ouvrir une section. C’est alors que le Maître opte définitivement pour le nom de Aï Ki Do. Jusqu’alors son enseignement avait porté les noms de Aïki Budo ou Ueshiba Ryu ou Ueshiba Ryu Aïki Budo ou encore Ko Bu Aïki.

L’après-guerre – l’AïKi-Do s’impose internationalement

En 1945, lorsque son fils prend la direction de l’Aïkikai la guerre est terminée et le Dojo est fermé à la suite de la décision de Mac Arthur de supprimer l’enseignement et la pratique des arts martiaux.

Pendant la guerre le travail a été interrompu évidemment. Tokyo a brûlé sous les bombardements sauf le quartier qui abrite le Dojo. Une trentaine de famille ont pu s’abriter ainsi dans l’Aïkikai.

En 1945, Ô Senseï poursuit son travail à Iwama.

C’est une période de grand bouleversement pour tous les japonais qui font l’expérience politique de la démocratie, de la liberté individuelle, de la liberté de parole.

En 1948, l’éducation nationale donne son accord pour le changement de nom du Dojo qui se nomme désormais Zaidan Hojin Aïkikai.

En 1949, le travail peut reprendre avec une dizaine d’élèves qui travaillent 1h00 matin et soir. Le Dojo a été libéré des gens qui y avaient trouvé refuge mais les difficultés demeurent au niveau de la vie quotidienne, on se nourrit avec difficulté.

L’expansion de l’Aï Ki Do va se poursuivre avec régularité. Maître Mochizu Minoru part pour l’Europe en 1951 suivi en 1952 par Maître Tadashi Abe, Maître Noro en 1962, Maître Tamura en 1964. Maître Tohei est à Hawaï en 1953.

En 1950, Maître Ueshiba effectue une démonstration publique d’Aï Ki Do avec tous les élèves à Tokyo.

 

Il recevra des manifestations officielles de reconnaissance :

 

en 1960 la médaille de Shi Ju Ho Sho

en 1964 la médaille Kun Yonto Kyoku Jutsu – Sho Ju Sho décernées par l’empereur.

En 1961 l’Aïkikai a été invité à Hawaï et la Maître fait une démonstration. C’est sa première sortie hors du Japon. Pour asseoir l’autorité de la jeune discipline, il accepte la présidence de la fédération des universités japonaise d’Aï Ki Do.

 

En 1968, on reconstruit le Hombu Dojo, l’Aïkikai actuel.

En 1969, le 26 avril le Maître Ueshiba s’éteint à l’âge de 86 ans. Ses cendres sont conservées dans le temple de Tanabe Kozan Ji. Ses cheveux à Iwama Aïki Jin Ja et aussi à Kumano Dojo

Ayabe

« Omo Tokyo »

L’empereur lui décerne la médaille

Sho Goï Kun Santo Zui Ho Sho

Les villes de Tanabe et d’Iwama le fond citoyen d’honneur.

En juin 1969 sa femme Hatsu s’éteint à son tour.

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